Un vertige me prend à l'instant d'écrire à Manon ces derniers mots, qu'elle ne pourra jamais lire. Comment se résoudre à la disparition de celle que j'ai vu naître, de la jeune fille toujours pleine de vie, de la femme épanouie qu'elle était enfin devenue, de la battante qui aimait la vie plus que tout ? Impossible, bien sûr. La mort fait partie de la vie, elle est peut-être la vie même, écrivit Jean d'Ormesson, mais pas si tôt, pas comme ça, pas elle.
Car oui, c'est bien Manon qui était la vie même. Elle qui avait donné la vie, et choisi, aussi, d'en faire son métier. Je me souviens du bébé insatiable qui arpentait maisons et jardins en éprouvant joyeusement la liberté nouvelle de marcher sur deux jambes.
Je me souviens des jeux, des courses, des nages dans la Manche, où, sur les plages de Bricqueville, elle avait l'assurance de trouver en moi un adulte pas trop frileux pour accompagner ses bains. Je me souviens d'un mariage décontracté, à son image, une fête de jeunes toulousains endimanchés, qui s'étira dans une longue nuit de chants et de danses où elle n'était jamais la dernière.
Je me souviens de ses combats pour ses droits. Mais, son dernier, pour sa vie, je ne l'ai suivi qu'à distance, celle qui fait craindre de ne trouver les bons mots.
Famille, amis, je vous adresse des pensées empreintes d'émotion, à l'heure de ce dernier hommage qui me serre le cœur.